Debourrage Martin Black

dimanche, janvier 15, 2006

Portrait


Martin Black

au Salon du Cheval 2005




Photo : Xavier Meal

Précisions apportées par Xavier Meal

Merci à Xavier de m'autoriser à retranscrire une partie de ses informations.
Martin Black fait profession de débourrer les jeunes chevaux. Jusqu’à 500 par an, mais aujourd’hui seulement +/- 300 par an, car il fait à côté beaucoup plus de stages divers. 25% de ces chevaux débourrés sont des pur-sangs de course, de grande valeur à la vente ; 50 % sont des chevaux destinés à la compétition de reining, dont la moitié valent aussi très cher du fait de leurs origines ; les derniers 25 % sont des chevaux de races et d’utilisations diverses.

Le challenge était de présenter en 2 à 3 heures, ce que Martin Black fait habituellement sur 2 ou 3 jours à raison d’une séance par jour.

Il travaille toujours la dépendance aux autres chevaux (buddy sourness) lors de la première séance, afin que le cheval apprenne à trouver la confiance en lui-même et par lui-même, afin que cette dépendance ne parasite pas la suite du débourrage. Il en résulte, selon lui, un cheval tout de suite attentif à l’humain, beaucoup moins enclin à se laisser distraire par tout ce qui peut lui rappeler les congénères avec lesquels il a grandi. Pour Martin Black, ce procédé est similaire à un sevrage ; quant à la pression subie par les chevaux pour qu’il apprennent à trouver le confort en eux-mêmes et par eux-mêmes, et pas dans la proximité des autres, il argumente que les jeunes étalons, lorsqu’ils sont chassés du troupeau par l’étalon dominant, subissent le même genre de pression, qui les amènent à galoper en cercle de façon longue et répétitive, pourchassés par l’étalon dominant, jusqu’à ce qu’ils comprennent que le confort réside dans l’isolement. Enfin, cette phase du débourrage est généralement plus rapide avec les entiers qu’avec les juments, sans doute parce que les entiers ont ce « comportement » dans les gênes.

A propos du premier poulain qui est parti en ruades peu après – mais pas immédiatement après – avoir été sellé, il l’a fait selon lui non pas pour se débarrasser de la selle, mais parce qu’il a été agacé par la sangle arrière (de roping, car selle western) – c’est aussi le sentiment que j’ai eu depuis le bord du rond de longe en observant les ruades du poulain.

Lorsqu’il a écarté le micro pour expliquer quelque chose à Dave Stuart (un des premiers instructeurs issus du système Parelli -, qui a étudié avec Hunt et Brannaman), monté en selle sur le deuxième poulain, il reprochait à Dave de ne pas avoir relâché la longe après avoir demandé au poulain de tourner la tête – ce qu’il avait fait de 1 ou 2 cm. Dave maintenait la pression dans le but, selon Martin Black, d’obtenir encore plus de cession à la pression, une plus importante flexion du cou. Martin Black, lors de cette phase du débourrage, n’a pas comme objectif premier la cession à la pression latérale. Il s’agit, pour lui simplement de « rompre la rigidité de la nuque» du poulain (break the poll). En premier lieu, un rien lui suffit, comme un simple relâchement de la tension musculaire du cou. Il applique là les préceptes de Tom Dorrance : “Récompenser l’effort, l’intention, pas le résultat.” Ensuite, il s’agit de construire sur cette première base une meilleure cession, graduellement, pas dans le but de fléchir le cou pour fléchir le cou, mais dans celui que le poulain fléchisse afin que graduellement il en vienne à suivre avec légèreté les indications de direction de la longe. Maintenir la pression alors que le poulain vient de céder de bonne volonté, même un tout petit peu, fait que le poulain se contracte à nouveau et résiste ; il finit éventuellement par céder plus, mais c’est alors de guerre lasse, contre sa volonté. On lui apprend ainsi plus à résister qu’à donner de façon légère.

A propos de l’état physique et psychologique des poulains, selon lui, s’ils avaient été complètement abrutis par ce qui s’est passé auparavant, ils n’auraient pas cédé à la longe aussi légèrement et avec cette réactivité.

Antoine Cloux, qui commentait ce débourrage au salon, m’a lui précisé que :
- normalement, la phase de séparation/indépendance des poulains est acquise en 15 à 30 minutes, pas en presque une heure comme au salon du cheval. Il a trouvé ces chevaux anormalement trop plein d’énergie (nourriture ?). Là où un poulain n’aurait trotté ou galopé que sur un demi ou un tour complet, ceux-ci partaient sur deux à trois tours malgré la pression savamment dosée de Martin Black, surtout le premier.
- Martin Black a eu quelques soucis avec Oakies, la jument prêtée par Andy Booth, pas aussi réactive et précise que l’aurait souhaité Martin, en tout cas pas aussi réactive et précise que les chevaux qu’emploie Martin Black pour les débourrages. Ces manques de précision et de réactivité lui ont causé quelques problèmes de timing et d’ajustement de la pression qui ont contribué à la durée anormale de cette phase.

dimanche, décembre 18, 2005

Paroles de Franck Petetin

• Définition ?
Le débourrage dont on parle ici (les 3 allures à une rêne), c'est apprendre l'alphabet au cheval.
Pour lui apprendre à lire, il reste 30 ans.
Sinon le débourrage "complet", ce sont les fondations, les 3 allures, la préparation à la maréchalerie, au chargement dans le van, le reculer, passer une rivière, une bâche, partir en forêt,... et enfin et surtout, l'impulsion, et ce débourrage prend pas 20 minutes, mais environ 5 à 10 jours, pour du travail bien fait.

• Vite mais efficace et durable ?
Avec Martin Black, Steeve Byrne, Buck Brannaman, des gens très très rares, ce que je peux te dire sur Martin, ou les autres, c'est que demain leur cheval sera mieux qu'aujourd'hui et aujourd'hui il était mieux qu'hier. Ca veut dire que le cheval progresse, et quand les poulains étaient stressés, et qu'après ils étaient mieux, ils ont pris confiance en eux. [...] Quel que soit le cheval et son avancée dans le débourrage, il y a un moment où il est prêt ; et il y a 4 moments dans une seconde... Ray Hunt, son idée est de prendre ce moment et de construire dessus. [Martin Black est le gendre de Ray Hunt.]

• Qu'entends-tu par "il y a 4 moments dans une seconde" ?
En une seconde, le cheval peut changer 4 fois d'état d'esprit. Il vit dans le moment, et un moment c'est quoi ? C'est un instant 't'.
Quand on dit "C'est un cheval respectueux ou pas respectueux", ça ne veut rien dire, parce que dans 1 seconde, il peut passer 2 fois de l'un à l'autre. Ca veut aussi dire que quand on doit faire quelque chose pour corriger une erreur, si on ne le fait pas "now", c'est trop tard, c'est ça le timing. Et c'est le feel qui donne le timing. C'est pour ça que le timing est super important. Des cavaliers me disent "Je pense avoir de bonnes mains", et c'est impossible, ça prend toute une vie pour avoir un bon timing dans les doigts, tellement le cheval est plus rapide ou réceptif que nous.
Ronnie [Willis] avait arrêté de monter les chevaux, car il estimait ne plus avoir le bon timing à leur offrir, et le sien était 10.000 fois meilleur que le mien. C'est ça qui rend les hommes de chevaux frustrés, c'est de voir toutes les erreurs que les humains font sans s'en rendre compte, ou qu'ils corrigent mais trop tard, quand 1/2 seconde après l'erreur, la correction n'a plus de sens pour le cheval.
C'est pour ça qu'un débourrage peut être rapide (j'entends 3 allures, 1 rêne car le débourrage ne s'arrête pas là). Il y a 1 moment ou le cheval est prêt, 1/4 de seconde, pour mettre la selle, le pied, passer la jambe, etc... et cet instant, si tu le prends tout de suite, tu peux construire à une vitesse vertigineuse. Mais si on ne prend pas ca, quand on ne sent pas ca, le débourrage dure 3 semaines, parce que le cheval, avec sa tolérance, il va transformer ce 1/4 de seconde où il est prêt, en minutes où il est prêt. Et là, on se dit, "Bon, je crois qu'il est prêt", après des tours de longe qui n'en finissent plus, on se dit qu'on peut monter dessus, alors qu'il l'avait proposé 2 semaines avant peut-être. Tom Dorrance a dit de Ray Hunt qu'il n'avait jamais connu quelqu'un capable de "pick up the slightest clue (le plus petit indice que donne le cheval), and build on it in the right direction, in such a short time".
C'est parce que ces types-là, ils décèlent le plus petit essai, ou effort que donne le cheval, c'est invisible à l'oeil nu, c'est mental. [Un feel...]

• La construction ?
La progression, c'est la seule méthode. Elle consiste à déceler les changements du cheval jusque dans l'invisible et ensuite de les provoquer. C'est ce qu'a fait Martin au salon pour le débourrage, tout le monde ne peut pas le faire. Si on lui demandait s'il pense avoir fait des erreurs ce soir-là, il répondrait "des milliers".
Il n'y a que les chevaux qui ne font pas d'erreur, ils sont purs et parfaits dès la naissance, ils ne se trompent jamais, jamais, il sont dans l'équilibre, en permanence. Pour les humains, c'est ce qu'il y a de plus dur, trouver l'équilibre : un coup on fait trop, un coup on fait pas assez, mais eux, c'est juste leur vie, jamais d'erreur.

• Martin Black ferme avec Oakies ?
Il y a parfois besoin de se fâcher [dans le sens être très ferme], et si c'est pas sur le coup parce qu'il y a du monde [et qu'on ne veut pas choquer], on ment au cheval [...], et ça c'est n'être pas juste. C'est tellement plus important pour moi de dire la vérité au cheval, comme aux humains, plutôt que de faire semblant. Le cheval ne ment pas, lui, il n'y a aucune raison qu'on lui mente. [Là où certaines personnes y ont vu de la brutalité, Martin n'a utilisé que justesse et fermeté.]
A la décharge de Andy, Oakies est une jument particulière qui ne répond qu'aux codes personnels que Andy a mis en place avec elle. Par exemple, quand on met simplement des jambes, elle monte le dos, mais n'avance pas. Pour la faire avancer, il faut l'énergie en plus.

• Ce qu'on ne voit pas ?
Quand tu dis : "Enfin, c'est ce que j'ai vu", je rebondis là dessus. C'est ce que je me dis tous les jours, "Ca, c'est ce que je vois", mais il faut que je prête attention à ce que je ne vois pas. Dans le même ordre d'idée, je me dis souvent à propos de quelqu'un qui me parle,"ça c'est ce qu'il me dit, mais est-ce que c'est ce qu'il veut me dire ?". On est tellement loin de la nature qu'on passe à côté de plein de choses, on ne les voit pas, on ne les voit plus. Beaucoup à voir avec le débourrage : il y a ce qu'on voit et il y a ce qu'on ne voit pas. Et il y a comment on voit et comment on peut voir...

• Les gens qui ne veulent pas ?
J'ai dit, "Faites un stage", et on m'a dit "C'est trop cher". Et je sais pertinement que ce n'est pas trop cher, c'est INCONFORTABLE, parce que la vérité quand on n'est pas prêt, c'est pas confortable. Mais le cheval, si il pouvait, il les donnerait lui les euros, pour être compris une fois pour toutes et toute sa vie.

• Et ceux qui voudraient bien ?
On est tous pareil, c'est pas évident, il faut les bases, et c'est pour ça que les 3 niveaux Parelli existent ; ils donnent les bases, pour comprendre mieux tout ca, mais c'est énorme, ça demande beaucoup de temps, et on est tous passés par là. Ou alors il faut faire comme Tom Dorrance : observer, mémoriser, comparer...
On a tous été aidés, enfin, on a tous payé [sourire] mais ça change la vie.

jeudi, décembre 15, 2005

Fuite et peur ?

Sur un forum, quelqu'un a dit qu'on avait empêché les poulains de fuir.

C'est d'ailleurs bien tout le contraire qu'a fait Martin Black : jamais il n'a contraint les poulains à ne pas bouger. Mais toujours il leur permettait de trouver "la sortie".
Empêcher un cheval de s'exprimer, c'est ne pas lui laisser l'opportunité de découvrir par lui-même les bonnes réponses.

Cela dit, je me pose évidemment des questions sur le débourrage de Martin Black (et de Ray Hunt vu à la Cense). Comme tout le monde, j'ai vu aussi la sueur et la peur des poulains. Mais j'ai vu aussi des poulains qui réfléchissaient, enfin, qui comprenaient ce qu'on leur voulait et qui réagissaient à une demande parce qu'ils la comprenaient. Je sais que Martin Black sait y faire, qu'il a eu besoin de faire telle ou telle chose. Je pense juste qu'il y a des choses qui nous échappent parce que, comme l'a suggéré un comportementaliste renommé à un ami, nous ne sommes pas prêts pour assister à ces débourrages car nous ne nous rendons pas compte de ce qu'est vraiment un cheval.

mercredi, décembre 14, 2005

Merci...

... à un certain "iola" qui indirectement par ses explications a répondu à certaines questions que je me posais à propos du débourrage opéré par Martin Black, et par extension de ce type de débourrage en général.
Je vais d'ailleurs lui demander si je peux retranscrire ce qu'il a écrit ici...

samedi, décembre 10, 2005

Un détail

Un détail qui me revient, mais d'importance...

Une fois le poulain sellé et en liberté, Martin voulait qu'il trouve la réponse à son anxiété pour la selle, dans l'arrêt. C'est pourquoi il provoquait le mouvement en avant mais sans l'entretenir : une fois que le poulain faisait un premier pas, Martin reculait pour lui laisser le choix de continuer ou s'arrêter.

Au pas, le poulain était tendu, inquiet avec les étriers, et s'arrêtait de lui-même. Martin attendait alors jusqu'à qu'il se détende un peu, puis provoquait à nouveau le pas. Quand le poulain était OK au pas, Martin l'a mis au trot de la même manière, en provoquant juste la première foulée et en reculant ensuite. La selle et les étriers étaient plus impresionnant et le poulain est parti au galop en buckant peut-être deux ou trois tours de pen, pour s'arrêter de lui-même. Et là Martin a fait un longue pause jusqu'à ce que le poulain se détende.

Cette manoeuvre avait pour but d'apprendre au poulain que son confort est dans l'arrêt et non la fuite quand quelque chose l'inquiète.

Compte-rendu

Je vous livre mon compte rendu du débourrage de deux poulains pur sang par Martin Black, au Salon du Cheval de Paris, le mardi 6 décembre 2005.
J'ai essayé de décrire les choses comme je les ai vues, entendues et comprises. Prenez-le donc avec recul parce que vous n'avez ni l'image ni le son et chacun peut le comprendre différemment.


Merci à Xavier Meal pour m'avoir autorisée à utiliser ses photos...
* * *

Il y avait foule tout autour de la carrière. Le présentateur annonce Martin Black. Andy commence par saluer et présenter Martin Black, Dave et sa femme, puis laisse Antoine Cloux faire la traduction.


Martin Black était donc monté sur Oakies et entré dans le roundpen. Le premier poulain est amené par Dave, en licol. Martin fixe la longe autour de la corne de sa selle mais sans faire un noeud, il la bloque sous sa cuisse et se contente de deux ou trois tours autour du pommeau pour pouvoir jongler sur la longueur au besoin.

Il voit très vite que le poulain n'a pas été manipulé en longe : il résiste et Martin fait attention à ne pas provoquer l'opposition et fait donc bouger les postérieurs du poulain pour l'amener à céder à la traction du licol. Très vite, il manoeuvre son stick avec un drapeau rouge autour du poulain qui s'effraye. Le but de Martin est d'amener le poulain à rester tranquille de côté, tête bêche avec Oakies, et pouvoir le toucher sur le dos et les flancs avec le drapeau, pouvoir se placer là où selle et cavalier se mettront en place en fait. Le poulain effrayé tirera plusieurs fois au renard, tombera aussi deux ou trois fois.

Quand le poulain bouge, Martin et Oakies bougent avec lui en agitant doucement ou fortement le drapeau selon la mobilité du poulain. Quand il décide de s'arrêter, ils stoppent aussi. Oakies doit être absolument à l'écoute parce qu'il a besoin qu'elle soit au bon endroit au bon moment, et il n'hésite pas à user de ses éperons et du mors quand elle ne répond pas assez rapidemment.

Au bout de plusieurs minutes, le poulain consent à rester flanc offert à Martin. Le poulain est en nage, luisant de sueur. Martin peut le toucher avec le drapeau sur le dos, la tête, les flancs, donne des petites tapes un peu partout pour mimer tout morceau de selle ou de cavalier qui risquent de toucher un peu.

Dave entre avec selle et tapis. Le poulain toujours en licol et tout près de Oakies et de Martin qui tient la longe, Dave le selle et le sangle avec précaution. Le poulain ne bouge pas. Puis Martin le fait bouger par les postérieurs pour qu'il prenne conscience de la selle en éviter au possible qu'il parte en vrille. Puis il détache le poulain.

Martin provoque le mouvement du poulain mais sans l'entretenir. Ce qu'il veut, c'est que le poulain apprenne que si quelque chose l'effraye, il peut choisir de s'arrêter. Et c'est ce qu'il fait. Quand il semble plus rassuré avec la selle au pas, Martin provoque le trot.
Et là le poulain accélère pour bucker dans tous les sens. Il cherche à arracher la sangle avec ses postérieurs. Ca dure très peu de temps et il s'immobilise, essoufflé. Martin est resté immobile tout ce temps et encore maintenant, le laissant reprendre ses esprits et son calme. Quand le poulain est moins anxieux, il fait entrer le second poulain et procède de la même manière : longe au pommeau, drapeau, main, sellage et sanglage, faire bouger en longe puis en liberté. Ca se passe mieux pour le second poulain qui ne bucke pas du tout. Il est peut-être rassuré par son copain le premier poulain ?

Les deux poulains en liberté, sellés, se collent l'un à l'autre. Martin veut leur inculquer l'indépendance et leur apprendre qu'ils peuvent trouver leur sécurité seul. Il les met au trot puis agite son drapeau jusqu'à ce qu'ils se séparent un peu, et là il s'éloigne et attend. Les poulains ne tardent pas à se coller à nouveau et Martin recommence. Un des deux poulains comprend ce qu'on lui veut et se sépare de lui-même de son copain pour retrouver immédiatement du confort derrière Martin et Oakies. Mais l'autre poulain beaucoup plus grégaire et plus émotif revient immanquablement chercher refuge près de son copain. Aussitôt, Martin avance Oakies dans leurs direction. Le poulain "courageux" qui avait très bien compris, s'éloigne de lui-même de son copain le poulain "émotif".

Martin détecte rapidemment que le poulain "émotif" ne le regarde que de son oeil droit, et chercher à tout prix à éviter de le regarder de son oeil gauche. Le poulain "courageux", lui, n'a pas de problème d'oeil. Martin les sépare à nouveau. Le poulain "courageux" dans son dos, il maintient le poulain "émotif" sur un demi-cercle devant lui. Il provoque la mise en avant à main gauche pour que le poulain le regarde avec son oeil gauche. Il est tellement inquiet qu'il prend très vite le trot pour aller rejoindre son copain alors que Martin se tient loin de lui. Une fois arrêté, le poulain présente son côté droit et se protège avec ses fesses tournées en oblique vers Oakies. Martin recommence : il met le poulain au pas à main gauche puis s'éloigne pour lui donner du confort, mais le poulain mal à l'aise sur cet oeil et loins de son copain prend le trot pour vite aller rejoindre son congénère et changer d'oeil.

Martin a passé beaucoup de temps juqu'à ce que ce poulain accepte de le regarder avec son oeil gauche, en restant immobile un petit moment, sans précipiter pour rejoindre son copain. Il exlique que ce poulain ne peut pas être monté tant qu'il n'accepte pas d'être abordé gauche. Imaginez que la jambe du cavalier, monté sur l'étrier droit, passe par dessus la croupe pour entrer dans le champ de vision gauche du poulain qui n'a pas du tout envie de voir un humain de ce côté... Martin leur laisse ensuite un long moment de tranquillité après ce changement de comportement de la part du poulain inquiet.

Ensuite, ils vont être montés. Cette partie durera beaucoup moins longtemps parce que Martin estiment qu'ils ont déjà beaucoup fait. Ils ont déjà eu en 1h30 de temps ce qu'il aurait fait en deux séances journalières.

Le poulain inquiet sort du rond de longe. Martin reprend le poulain "courageux" en longe qu'il accroche à nouveau sur le pommeau sans nouer. Il confirme avec le drapeau et sa main que le poulain accepte bien d'être toucher un peu partout. Puis entre la femme de Dave (ou de Martin ?). Martin tenant donc la longe, la femme, sous les directives de Martin, prépare le cheval à s'équilibrer pour recevoir le poids du cavalier sur un étrier. Puis elle met le pied à l'étrier et s'élève au dessus de la selle. Le poulain ne bouge pas et est bien campé.

La femme se met en selle doucement et caresse le poulain. Puis Martin lui fait bouger les postérieur pour qu'il prenne consience du cavalier sur son dos. Le poulain un peu inquiet bouge un pied puis l'autre mais n'avance pas franchement. Martin voudrait qu'il bouge les 4 pieds. Il ne tire pas sur le licol mais pousse les postérieurs puis les antérieurs et voilà le poulain qui marche, de plus en plus normalement au fur et à mesure des pas.

Quand il se délie un peu plus, qu'il l'a fait changer de main quelques fois, Martin donne la longe (rêne unique) à la femme qui vogue maintenant seule. Martin demande qu'elle fasse bouger les antérieurs du poulain avec une rêne directe très légère. L'usage des jambes n'est pas encore pour maintenant. Mais si le poulain avance, elle doit le laisser avancer. Tout ce qu'elle doit faire, c'est lui apprendre à suivre ce que dit le poids du corps et la rêne, en changeant de main en lançant la corde par dessus la tête. L'apprentissage se fait avec beaucoup de légèreté, le poulain se laisse guider doucement, ne s'effraye pas de la corde qui passer par dessus sa tête pour changer de direction, jamais la rêne ne se tend, il répond au "feel" de la corde.

Ca ne dure que quelques minutes, puis Martin reprend la longe et elle descend en préparant le poulain encore une fois à s'équilibrer. Le poulain est désellé et un grand seau d'eau fraîche l'attend. J'ai noté que le poulain "courageux" reniflait le sol, explorait, pendant que la femme le laissait aller là où il voulait. Mais répondait dès qu'elle lui indiquait une direction. Celui-là avait l'air plutôt confiant. Martin procède de même avec le poulain "peureux", en s'assurant bien qu'il l'accepte des deux yeux avant de faire monter Dave. Mais tout se passe bien aussi.


Ensuite, un long moment encore pour les laisser souffler, désellés, se désaltérer. Puis on les reselle pour seulement confirmer la mise en selle : répartition de l'équilibre pour supporter le poids du cavalier sur un étrier, passage d'une jambe par dessus la croupe, poids du cavalier sur le dos, caresse avec les jambes sur les flancs, mouvements des bras du cavalier, caresses sur l'encolure, la tête, les oreilles, la croupe. On les déselle à nouveau et ils peuvent rentrer.


C'est du débourrage pro, ça ne fait aucun doute. Et de ce fait, il faut que ce soit rapide et efficace, mais bien. C'est sous doute pourquoi ça m'a paru rude mais il ne faut pas oublier qu'il débourre plus de 150 chevaux par an, c'est son métier, et là où nous, cavaliers de loisirs, aurions pris tout notre temps pour désensibiliser, Martin devait aller rapidement mais efficacement et proprement à l'essentiel. Mais je me demande quand même si c'est vraiment obligé que les chevaux explosent avec la selle, qu'ils tombent, qu'ils deviennent trempés de sueur ? Ou ne peut-on faire autrement dans le cas d'un débourrage pro parce qu'on n'a pas le temps d'approfondir toutes les phases ?


En tous cas, ce qui m'a le plus marquée de la part de Martin, Dave et sa femme, c'est le temps qu'ils ont tous pris à faire rapide mais bien. Je sais, c'est contradictoire. Par exemple, Martin a passé beaucoup de temps avec le poulain qui ne voulait pas le regarde de l'oeil gauche. Calmement et patiemment, il a demandé, attendu, récompensé et redemandé, réattendu, récompensé à nouveau jusqu'à ce qu'un changement notoire s'opère. Dave, pour seller et déseller, a pris tout son temps, détachant avec un geste lent et assuré les sangles. Pour remettre le licol, il s'est approché tout doucement mais surement du poulain, a passé délicatement la longe par dessus l'encolure, lui a demandé de baisser un peu la tête et de la tourner un peu vers lui, puis lui a mis le licol tout aussi doucement mais surement. Ils donnent tous l'impression de faire des gestes précis, même pour ce qui nous semble moins important. En fait, leur travail avec le cheval ne s'arrête que quand il est rentré dans son pré ou dans son box. Et encore...