Debourrage Martin Black

samedi, décembre 10, 2005

Compte-rendu

Je vous livre mon compte rendu du débourrage de deux poulains pur sang par Martin Black, au Salon du Cheval de Paris, le mardi 6 décembre 2005.
J'ai essayé de décrire les choses comme je les ai vues, entendues et comprises. Prenez-le donc avec recul parce que vous n'avez ni l'image ni le son et chacun peut le comprendre différemment.


Merci à Xavier Meal pour m'avoir autorisée à utiliser ses photos...
* * *

Il y avait foule tout autour de la carrière. Le présentateur annonce Martin Black. Andy commence par saluer et présenter Martin Black, Dave et sa femme, puis laisse Antoine Cloux faire la traduction.


Martin Black était donc monté sur Oakies et entré dans le roundpen. Le premier poulain est amené par Dave, en licol. Martin fixe la longe autour de la corne de sa selle mais sans faire un noeud, il la bloque sous sa cuisse et se contente de deux ou trois tours autour du pommeau pour pouvoir jongler sur la longueur au besoin.

Il voit très vite que le poulain n'a pas été manipulé en longe : il résiste et Martin fait attention à ne pas provoquer l'opposition et fait donc bouger les postérieurs du poulain pour l'amener à céder à la traction du licol. Très vite, il manoeuvre son stick avec un drapeau rouge autour du poulain qui s'effraye. Le but de Martin est d'amener le poulain à rester tranquille de côté, tête bêche avec Oakies, et pouvoir le toucher sur le dos et les flancs avec le drapeau, pouvoir se placer là où selle et cavalier se mettront en place en fait. Le poulain effrayé tirera plusieurs fois au renard, tombera aussi deux ou trois fois.

Quand le poulain bouge, Martin et Oakies bougent avec lui en agitant doucement ou fortement le drapeau selon la mobilité du poulain. Quand il décide de s'arrêter, ils stoppent aussi. Oakies doit être absolument à l'écoute parce qu'il a besoin qu'elle soit au bon endroit au bon moment, et il n'hésite pas à user de ses éperons et du mors quand elle ne répond pas assez rapidemment.

Au bout de plusieurs minutes, le poulain consent à rester flanc offert à Martin. Le poulain est en nage, luisant de sueur. Martin peut le toucher avec le drapeau sur le dos, la tête, les flancs, donne des petites tapes un peu partout pour mimer tout morceau de selle ou de cavalier qui risquent de toucher un peu.

Dave entre avec selle et tapis. Le poulain toujours en licol et tout près de Oakies et de Martin qui tient la longe, Dave le selle et le sangle avec précaution. Le poulain ne bouge pas. Puis Martin le fait bouger par les postérieurs pour qu'il prenne conscience de la selle en éviter au possible qu'il parte en vrille. Puis il détache le poulain.

Martin provoque le mouvement du poulain mais sans l'entretenir. Ce qu'il veut, c'est que le poulain apprenne que si quelque chose l'effraye, il peut choisir de s'arrêter. Et c'est ce qu'il fait. Quand il semble plus rassuré avec la selle au pas, Martin provoque le trot.
Et là le poulain accélère pour bucker dans tous les sens. Il cherche à arracher la sangle avec ses postérieurs. Ca dure très peu de temps et il s'immobilise, essoufflé. Martin est resté immobile tout ce temps et encore maintenant, le laissant reprendre ses esprits et son calme. Quand le poulain est moins anxieux, il fait entrer le second poulain et procède de la même manière : longe au pommeau, drapeau, main, sellage et sanglage, faire bouger en longe puis en liberté. Ca se passe mieux pour le second poulain qui ne bucke pas du tout. Il est peut-être rassuré par son copain le premier poulain ?

Les deux poulains en liberté, sellés, se collent l'un à l'autre. Martin veut leur inculquer l'indépendance et leur apprendre qu'ils peuvent trouver leur sécurité seul. Il les met au trot puis agite son drapeau jusqu'à ce qu'ils se séparent un peu, et là il s'éloigne et attend. Les poulains ne tardent pas à se coller à nouveau et Martin recommence. Un des deux poulains comprend ce qu'on lui veut et se sépare de lui-même de son copain pour retrouver immédiatement du confort derrière Martin et Oakies. Mais l'autre poulain beaucoup plus grégaire et plus émotif revient immanquablement chercher refuge près de son copain. Aussitôt, Martin avance Oakies dans leurs direction. Le poulain "courageux" qui avait très bien compris, s'éloigne de lui-même de son copain le poulain "émotif".

Martin détecte rapidemment que le poulain "émotif" ne le regarde que de son oeil droit, et chercher à tout prix à éviter de le regarder de son oeil gauche. Le poulain "courageux", lui, n'a pas de problème d'oeil. Martin les sépare à nouveau. Le poulain "courageux" dans son dos, il maintient le poulain "émotif" sur un demi-cercle devant lui. Il provoque la mise en avant à main gauche pour que le poulain le regarde avec son oeil gauche. Il est tellement inquiet qu'il prend très vite le trot pour aller rejoindre son copain alors que Martin se tient loin de lui. Une fois arrêté, le poulain présente son côté droit et se protège avec ses fesses tournées en oblique vers Oakies. Martin recommence : il met le poulain au pas à main gauche puis s'éloigne pour lui donner du confort, mais le poulain mal à l'aise sur cet oeil et loins de son copain prend le trot pour vite aller rejoindre son congénère et changer d'oeil.

Martin a passé beaucoup de temps juqu'à ce que ce poulain accepte de le regarder avec son oeil gauche, en restant immobile un petit moment, sans précipiter pour rejoindre son copain. Il exlique que ce poulain ne peut pas être monté tant qu'il n'accepte pas d'être abordé gauche. Imaginez que la jambe du cavalier, monté sur l'étrier droit, passe par dessus la croupe pour entrer dans le champ de vision gauche du poulain qui n'a pas du tout envie de voir un humain de ce côté... Martin leur laisse ensuite un long moment de tranquillité après ce changement de comportement de la part du poulain inquiet.

Ensuite, ils vont être montés. Cette partie durera beaucoup moins longtemps parce que Martin estiment qu'ils ont déjà beaucoup fait. Ils ont déjà eu en 1h30 de temps ce qu'il aurait fait en deux séances journalières.

Le poulain inquiet sort du rond de longe. Martin reprend le poulain "courageux" en longe qu'il accroche à nouveau sur le pommeau sans nouer. Il confirme avec le drapeau et sa main que le poulain accepte bien d'être toucher un peu partout. Puis entre la femme de Dave (ou de Martin ?). Martin tenant donc la longe, la femme, sous les directives de Martin, prépare le cheval à s'équilibrer pour recevoir le poids du cavalier sur un étrier. Puis elle met le pied à l'étrier et s'élève au dessus de la selle. Le poulain ne bouge pas et est bien campé.

La femme se met en selle doucement et caresse le poulain. Puis Martin lui fait bouger les postérieur pour qu'il prenne consience du cavalier sur son dos. Le poulain un peu inquiet bouge un pied puis l'autre mais n'avance pas franchement. Martin voudrait qu'il bouge les 4 pieds. Il ne tire pas sur le licol mais pousse les postérieurs puis les antérieurs et voilà le poulain qui marche, de plus en plus normalement au fur et à mesure des pas.

Quand il se délie un peu plus, qu'il l'a fait changer de main quelques fois, Martin donne la longe (rêne unique) à la femme qui vogue maintenant seule. Martin demande qu'elle fasse bouger les antérieurs du poulain avec une rêne directe très légère. L'usage des jambes n'est pas encore pour maintenant. Mais si le poulain avance, elle doit le laisser avancer. Tout ce qu'elle doit faire, c'est lui apprendre à suivre ce que dit le poids du corps et la rêne, en changeant de main en lançant la corde par dessus la tête. L'apprentissage se fait avec beaucoup de légèreté, le poulain se laisse guider doucement, ne s'effraye pas de la corde qui passer par dessus sa tête pour changer de direction, jamais la rêne ne se tend, il répond au "feel" de la corde.

Ca ne dure que quelques minutes, puis Martin reprend la longe et elle descend en préparant le poulain encore une fois à s'équilibrer. Le poulain est désellé et un grand seau d'eau fraîche l'attend. J'ai noté que le poulain "courageux" reniflait le sol, explorait, pendant que la femme le laissait aller là où il voulait. Mais répondait dès qu'elle lui indiquait une direction. Celui-là avait l'air plutôt confiant. Martin procède de même avec le poulain "peureux", en s'assurant bien qu'il l'accepte des deux yeux avant de faire monter Dave. Mais tout se passe bien aussi.


Ensuite, un long moment encore pour les laisser souffler, désellés, se désaltérer. Puis on les reselle pour seulement confirmer la mise en selle : répartition de l'équilibre pour supporter le poids du cavalier sur un étrier, passage d'une jambe par dessus la croupe, poids du cavalier sur le dos, caresse avec les jambes sur les flancs, mouvements des bras du cavalier, caresses sur l'encolure, la tête, les oreilles, la croupe. On les déselle à nouveau et ils peuvent rentrer.


C'est du débourrage pro, ça ne fait aucun doute. Et de ce fait, il faut que ce soit rapide et efficace, mais bien. C'est sous doute pourquoi ça m'a paru rude mais il ne faut pas oublier qu'il débourre plus de 150 chevaux par an, c'est son métier, et là où nous, cavaliers de loisirs, aurions pris tout notre temps pour désensibiliser, Martin devait aller rapidement mais efficacement et proprement à l'essentiel. Mais je me demande quand même si c'est vraiment obligé que les chevaux explosent avec la selle, qu'ils tombent, qu'ils deviennent trempés de sueur ? Ou ne peut-on faire autrement dans le cas d'un débourrage pro parce qu'on n'a pas le temps d'approfondir toutes les phases ?


En tous cas, ce qui m'a le plus marquée de la part de Martin, Dave et sa femme, c'est le temps qu'ils ont tous pris à faire rapide mais bien. Je sais, c'est contradictoire. Par exemple, Martin a passé beaucoup de temps avec le poulain qui ne voulait pas le regarde de l'oeil gauche. Calmement et patiemment, il a demandé, attendu, récompensé et redemandé, réattendu, récompensé à nouveau jusqu'à ce qu'un changement notoire s'opère. Dave, pour seller et déseller, a pris tout son temps, détachant avec un geste lent et assuré les sangles. Pour remettre le licol, il s'est approché tout doucement mais surement du poulain, a passé délicatement la longe par dessus l'encolure, lui a demandé de baisser un peu la tête et de la tourner un peu vers lui, puis lui a mis le licol tout aussi doucement mais surement. Ils donnent tous l'impression de faire des gestes précis, même pour ce qui nous semble moins important. En fait, leur travail avec le cheval ne s'arrête que quand il est rentré dans son pré ou dans son box. Et encore...