Debourrage Martin Black

dimanche, décembre 18, 2005

Paroles de Franck Petetin

• Définition ?
Le débourrage dont on parle ici (les 3 allures à une rêne), c'est apprendre l'alphabet au cheval.
Pour lui apprendre à lire, il reste 30 ans.
Sinon le débourrage "complet", ce sont les fondations, les 3 allures, la préparation à la maréchalerie, au chargement dans le van, le reculer, passer une rivière, une bâche, partir en forêt,... et enfin et surtout, l'impulsion, et ce débourrage prend pas 20 minutes, mais environ 5 à 10 jours, pour du travail bien fait.

• Vite mais efficace et durable ?
Avec Martin Black, Steeve Byrne, Buck Brannaman, des gens très très rares, ce que je peux te dire sur Martin, ou les autres, c'est que demain leur cheval sera mieux qu'aujourd'hui et aujourd'hui il était mieux qu'hier. Ca veut dire que le cheval progresse, et quand les poulains étaient stressés, et qu'après ils étaient mieux, ils ont pris confiance en eux. [...] Quel que soit le cheval et son avancée dans le débourrage, il y a un moment où il est prêt ; et il y a 4 moments dans une seconde... Ray Hunt, son idée est de prendre ce moment et de construire dessus. [Martin Black est le gendre de Ray Hunt.]

• Qu'entends-tu par "il y a 4 moments dans une seconde" ?
En une seconde, le cheval peut changer 4 fois d'état d'esprit. Il vit dans le moment, et un moment c'est quoi ? C'est un instant 't'.
Quand on dit "C'est un cheval respectueux ou pas respectueux", ça ne veut rien dire, parce que dans 1 seconde, il peut passer 2 fois de l'un à l'autre. Ca veut aussi dire que quand on doit faire quelque chose pour corriger une erreur, si on ne le fait pas "now", c'est trop tard, c'est ça le timing. Et c'est le feel qui donne le timing. C'est pour ça que le timing est super important. Des cavaliers me disent "Je pense avoir de bonnes mains", et c'est impossible, ça prend toute une vie pour avoir un bon timing dans les doigts, tellement le cheval est plus rapide ou réceptif que nous.
Ronnie [Willis] avait arrêté de monter les chevaux, car il estimait ne plus avoir le bon timing à leur offrir, et le sien était 10.000 fois meilleur que le mien. C'est ça qui rend les hommes de chevaux frustrés, c'est de voir toutes les erreurs que les humains font sans s'en rendre compte, ou qu'ils corrigent mais trop tard, quand 1/2 seconde après l'erreur, la correction n'a plus de sens pour le cheval.
C'est pour ça qu'un débourrage peut être rapide (j'entends 3 allures, 1 rêne car le débourrage ne s'arrête pas là). Il y a 1 moment ou le cheval est prêt, 1/4 de seconde, pour mettre la selle, le pied, passer la jambe, etc... et cet instant, si tu le prends tout de suite, tu peux construire à une vitesse vertigineuse. Mais si on ne prend pas ca, quand on ne sent pas ca, le débourrage dure 3 semaines, parce que le cheval, avec sa tolérance, il va transformer ce 1/4 de seconde où il est prêt, en minutes où il est prêt. Et là, on se dit, "Bon, je crois qu'il est prêt", après des tours de longe qui n'en finissent plus, on se dit qu'on peut monter dessus, alors qu'il l'avait proposé 2 semaines avant peut-être. Tom Dorrance a dit de Ray Hunt qu'il n'avait jamais connu quelqu'un capable de "pick up the slightest clue (le plus petit indice que donne le cheval), and build on it in the right direction, in such a short time".
C'est parce que ces types-là, ils décèlent le plus petit essai, ou effort que donne le cheval, c'est invisible à l'oeil nu, c'est mental. [Un feel...]

• La construction ?
La progression, c'est la seule méthode. Elle consiste à déceler les changements du cheval jusque dans l'invisible et ensuite de les provoquer. C'est ce qu'a fait Martin au salon pour le débourrage, tout le monde ne peut pas le faire. Si on lui demandait s'il pense avoir fait des erreurs ce soir-là, il répondrait "des milliers".
Il n'y a que les chevaux qui ne font pas d'erreur, ils sont purs et parfaits dès la naissance, ils ne se trompent jamais, jamais, il sont dans l'équilibre, en permanence. Pour les humains, c'est ce qu'il y a de plus dur, trouver l'équilibre : un coup on fait trop, un coup on fait pas assez, mais eux, c'est juste leur vie, jamais d'erreur.

• Martin Black ferme avec Oakies ?
Il y a parfois besoin de se fâcher [dans le sens être très ferme], et si c'est pas sur le coup parce qu'il y a du monde [et qu'on ne veut pas choquer], on ment au cheval [...], et ça c'est n'être pas juste. C'est tellement plus important pour moi de dire la vérité au cheval, comme aux humains, plutôt que de faire semblant. Le cheval ne ment pas, lui, il n'y a aucune raison qu'on lui mente. [Là où certaines personnes y ont vu de la brutalité, Martin n'a utilisé que justesse et fermeté.]
A la décharge de Andy, Oakies est une jument particulière qui ne répond qu'aux codes personnels que Andy a mis en place avec elle. Par exemple, quand on met simplement des jambes, elle monte le dos, mais n'avance pas. Pour la faire avancer, il faut l'énergie en plus.

• Ce qu'on ne voit pas ?
Quand tu dis : "Enfin, c'est ce que j'ai vu", je rebondis là dessus. C'est ce que je me dis tous les jours, "Ca, c'est ce que je vois", mais il faut que je prête attention à ce que je ne vois pas. Dans le même ordre d'idée, je me dis souvent à propos de quelqu'un qui me parle,"ça c'est ce qu'il me dit, mais est-ce que c'est ce qu'il veut me dire ?". On est tellement loin de la nature qu'on passe à côté de plein de choses, on ne les voit pas, on ne les voit plus. Beaucoup à voir avec le débourrage : il y a ce qu'on voit et il y a ce qu'on ne voit pas. Et il y a comment on voit et comment on peut voir...

• Les gens qui ne veulent pas ?
J'ai dit, "Faites un stage", et on m'a dit "C'est trop cher". Et je sais pertinement que ce n'est pas trop cher, c'est INCONFORTABLE, parce que la vérité quand on n'est pas prêt, c'est pas confortable. Mais le cheval, si il pouvait, il les donnerait lui les euros, pour être compris une fois pour toutes et toute sa vie.

• Et ceux qui voudraient bien ?
On est tous pareil, c'est pas évident, il faut les bases, et c'est pour ça que les 3 niveaux Parelli existent ; ils donnent les bases, pour comprendre mieux tout ca, mais c'est énorme, ça demande beaucoup de temps, et on est tous passés par là. Ou alors il faut faire comme Tom Dorrance : observer, mémoriser, comparer...
On a tous été aidés, enfin, on a tous payé [sourire] mais ça change la vie.